L'Ayahuasca touristique
Depuis peu, l'ayahuasca est devenu une quasi attraction touristique. On ne peut aller en Amérique latine sans essayer au moins une fois ce breuvage qui, parait-il, donne des visions extraordinaires.
Les pseudos chamans, attirés par l'argent, proposent maintenant des sessions d'ayahuasca à des touristes aux coins de rue des grandes villes.
L'Ayahuasca millénaire
Pour introduire l'ayahuasca, dans son véritable et authentique cadre, je reprécise ici certains points, souvent mal compris par nous, les occidentaux :
1. Les premières traces archéologiques de rituel d'ayahuasca sont datés entre -50 et -500 avant Jésus christ
2. En Quéchua (langue précédent la conquête espagnole du 16ème S.), AYA signifie indistinctement "mort" ou "âme" et HUASCA "Liane". D'où : "liane des morts" ou "liane des âmes".
3. L'animal ayahuasca dans sa partie "ciel" est le colibri. Et dans sa partie "terre", le serpent.
4. L'ayahuasca a 3 dimensions indissociables : la
plante, le
chaman/curendero (le guide), et le
rituel (les règles à respecter)
5. Dans plusieurs tribus amazoniennes, seul le chaman/curendero prend de l'ayahuasca
6. L'objectif de l'ayahuasca n'est pas les visions mais la guérison (du corps, de l'âme)
7. Une diète avec d'autres plantes se fait généralement avant de prendre l'ayahuasca
8. Les deux règles minimales à respecter avant et après la prise d'ayahuasca durant une période fixée par le chaman/curendero sont : pas d'alcool, pas de sexe. Il faut ajouter l'arrêt des antidépresseurs chimique durant au moins 3 mois avant la prise du breuvage
9. Les accidents sont généralement causés par le non respect des règles donnés par le curandero ou l'ajout d'autres substances avec le breuvage pour doper les effets.
Le contexte/ l'environnement où pousse l'Ayahuasca
Il faut comprendre le cadre et la personnalité des locaux, là où pousse la plante.
Ces personnes sont très proches de la nature, bien ancrées au sol, et généralement bien reliées à leur corps. Le plus souvent, ils sont dépendants directement de la nature pour s'alimenter. Je pense notamment à ces péruviens pris en photo à 7h du matin à Pisac, dans la vallée sacrée pour nettoyer le maîs récolté la veille.
Nous occidentaux, nous allons au supermarché pour nous nourrir. Nous avons perdu ce contact avec la terre. Nous sommes beaucoup plus dans la tête, dans le mental que dans nos pieds et nos mains. C'est d'ailleurs pour cela que nous recherchons d'abord des visions (en haut) alors que les indigènes visent d'abord le nettoyage du corps par la diète, la purge, le vomissement, ... (en bas).
D'où l'importance d'être bien ancré au sol, dans son corps avant de prendre cette plante à effet puissant.
Pour l'anecdote, je suis tombé sur un article de presse hier qui parle de "
la révolte des premiers de classe" qui se lancent dans l'artisannat ... Coïncidence ?
La plante Ayahuasca
L'ayahuasca tel qu'on l'entend regroupe en fait au moins deux plantes : l'ayahuasca d'un côté et la chacruna ou le yagé de l'autre. Néanmoins on garde le nom "ayahuasca".
La combinaison des deux plantes provoque les fameux effets de l'ayahuasca
Comment est-ce possible ?
La chacruna ou le Yagé contiennent une substance qui s'appelle la
DMT. Substance encore mystérieuse (voir
ICI). Il y a de la DMT dans le cerveau humain et dans les légumes qui poussent au-dessus du sol. C'est la DMT en fait qui permet les rêves durant le sommeil. Un excès de DMT provoque les fameuses visions / hallucinations.On pourrait donc se contenter d'une de ces deux plantes alors ? NON ! Car l'estomac justement va réguler l'excès de DMT et donc la dissoudre. Comment faire alors ? voilà où intervient l'ayahuasca. L'ayahuasca est un inhibiteur qui empêche l'estomac d'éliminer l'excès de DMT. C'est de l'ayahuasca que vient ces envies de vomir. C'est l'effet de l'inhibiteur. La combinaison de la liane d'ayahuasca et de la chacruna/yagé donne l'ayahuasca telle qu'on la connaît.
Dans quelle proportion ? En principe c'est 70% d'ayahuasca et 30 % de chacruna/yagé. Si c'est du 50-50, on considère que la boisson est forte.
Un auteur disait : l'ayahuasca donne la force, la chacruna donne la lumière (la vision). La combinaison des deux est nécessaire.
Comment les amérindiens ont-ils pu découvrir cette combinaison magique des deux plantes alors qu'il y a plus de 80 000 espèces de plantes en Amazonie ? Et bien c'est le grand mystère. Faites le calcul : il y a 1 / 80.000 X 80.000 de chances d'avoir découvert la combinaison par hasard ... Dans son livre "
Le Serpent Cosmique", Jeremy NARBY met en évidence cette très faible probabilité dûe au hasard ...
« (…) une histoire Shipibo
(…) est qu’une une femme, dans des temps de légende, avait l’habitude de se
baigner avec des feuilles de chacruna. Elle adorait et se baignait avec de très
nombreuses fois jusqu’à ce qu’un jour l’esprit de la plante chacruna lui
apparut et lui demanda : « Pourquoi faire usage de moi autant ?
« La femme répondit : « parce que tu me plais beaucoup. Tu me
fais sentir mieux. Tu nettoies mon corps et me fait sentir très bien. »
Alors l’esprit de la chacruna lui dit : « Et bien, puisque je te vois
ainsi si pleine de foi en moi, je vais te donner un cadeau. Retourne à ta
tribut et dis-leur de me malanger avec de l’ayahuasca, de nous faire bouillir
et de nous boire, vous pourrez alors voir les esprits ». La femme retourna
dans son village et raconta l’histoire, les anciens firent cuire un morceau
d’ayahuasca (batch) et de chacruna, et c’est ainsi qu’ils commencèrent à voir
les esprits ».
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Petite feuille : la Chacruna - Grande feuille : le Yagé |
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L'Ayahuasca - "Liane des morts" en langage quechua |
Quelques sites de référence